La bio peut-elle nourrir le monde?
Cette question revient régulièrement dans les débats...Quelques éléments de réponse chiffrés:
Les constats sur l'alimentation:
- 1 humain sur 6 ne mange pas à sa faim dans le monde, soit plus d'un milliard d'habitants. 80% des sous-alimentés sont des agriculteurs.
- pourtant, la production mondiale est suffisante : on produit actuellement 330 kg d'equivalent céréales par humain et par an, or les besoins sont de 200 kg/humain et par an, mais une grande partie est utilisée pour nourrir le bétail ou produire des agrocarburants
- 30% de l’alimentation produite est jetée en Europe
Un modèle agricole actuel qui pose des questions de durabilité...
- la production de 100 kg d'azote, soit la fertilisation d'environ un hectare de culture correspond en équivalent CO2 à 10 000 km effectués par un véhicule...Le modèle agricole actuel est responsable de 30% des émissions actuelles de gaz à effet de serre.
- 96% des cours d’eau et 50% des nappes phréatiques françaises sont polluées, en grande majorité par les produits phytosanitaires.
- l'agriculture conventionnelle présente en Europe un bilan énergétique négatif : elle demande la consommation de plus d'énergie fossile qu'elle ne produit d'énergie assimilable par l'homme
- Les sols sont en mauvaise santé. En 1984, un hectare de terre cultivée contenait plus de 2 tonnes de vers, aujourd’hui il n’en contient plus que 100kg. Le monde a perdu 75% de sa biodiversité depuis le début du 20ème siècle
- La France est au 19ème rang européen en matière de surfaces bio, mais aussi 1er pays consommateur de pesticides.
Des alternatives viables :
L'agriculture biologique consiste à tenter de reproduire un agroécosystème complexe, qui utilise au mieux les ressources naturelles: le soleil, la biodiversité, le travail.
Elle s'appuie sur différentes pratiques :
- les associations de cultures: elles permettent une protection des cultures par des insectes auxiliaires, limite la concurrence nutritionnelle puisque chaque espèce a des besoins différents, permet un apport naturel d'azote par les légumineuses, de potassium et de phosphore par les arbres.
- la couverture permanente des sols et le maintien des haies : ils permettent une optimisation de la photosynthèse (les rayons solaires ne sont jamais perdus) et donc des rendements supérieurs et luttent contre l'érosion, notamment dans des conditions climatiques difficiles (moussons, ouragans, ..)
Ce type d'agroécosystème complexe repose sur 3 piliers:
- l'écosystème : sur lequel on s'appuie au lieu de l'artificialiser
- l'agrosysteme : des plantes et des animaux adaptés
- l'humain: le savoir, l'éxpérience du producteur mais aussi les besoins et envies des population
Un agriculture intensive... tout dépend en quoi !
L'interdiction des produits chimiques et un moyen pour mettre en place ce type d'agro écosystème.
Si l'on compare un blé conventionnel avec des intrants et le même blé sans intrants, il aura un rendement moindre, car il a été sélectionnée pour répondre aux conditions optimum permises par les intrants. Par contre si l'on compare le rendement d'une monoculture avec utilisation de produits chimiques et le rendement obtenu en culture associées, de nombreuses études montrent que ces dernières ont de meilleurs rendements dans les milieux tropicaux.
Pour développer la production mondiale, on peut donc s'appuyer sur des monocultures clonales et améliorer leur rendement grâce à une utilisation de la chimie ...
OU partir sur les cultures associées qui ont de meilleurs rendements et améliorer ces rendements avec des techniques modernes dévelopées en AB, qui respectent l'écosystème dans lequel elles sont utilisées.
C'est une question de choix.
Pour aller plus loin:
Une présentation claire et dynamique de l'intérêt des cultures associées et de l'agriculture biologique pour nourrir le monde.Par l'agronome Jacques Caplat, auteur du livre "L'agriculture biologique pour nourrir l'Humanité" (Actes Sud 2012) et administrateur de l'association Agir Pour l'Environnement.